«Les travailleurs seniors assurent la transmission du savoir-faire et garantissent la durabilité des produits»

23 janvier 2015 5 questions à...

La société Frank Türen SA soumet ses portes à des exigences élevées. Elles doivent être sûres, confortables et sur mesure. A cet égard, la tradition et la continuité sont des maîtres atouts, en plus de l’entrepreneuriat. Chez Frank, on travaille volontiers et longtemps – parfois au-delà de l’âge de la retraite.

Les portes Frank sont des produits haute technologie qui exigent un grand savoir-faire. A quel type de main-d’oeuvre recourez-vous pour concevoir et produire vos portes?
Nous avons développé l’an dernier un système de fermeture hightech pour portes – qui consiste en un scanner capable de reconnaître la structure veineuse de la main. Implanter de telles technologies dans nos portes exige des connaissances très pointues, il est vrai. Mais j’ai su m’entourer des bonnes personnes: des maîtres menuisiers et des techniciens spécialisés pour la conception, des menuisiers avec CFC pour la production. Je tiens aussi à souligner que nous sommes des généralistes, donc à la fois créateurs, directeurs de projets et conseillers à la clientèle. Nous avons ainsi tous les atouts en main pour répondre aux besoins du marché.

Très innovante, votre entreprise est aussi un bel exemple de continuité: fondée en 1897, Frank Türen AG est toujours en mains familiales et peut compter sur de nombreux employés fidèles. Quel est le secret de ce succès?
Chez nous, tradition et innovation ont toujours fait bon ménage. Nos collaborateurs restent en moyenne douze ans chez nous, ce qui assure la transmission du savoir-faire et garantit la durabilité des produits. Une porte achetée aujourd’hui chez nous vous donnera toujours satisfaction dans 20 ans. D’un autre côté, nous devons aussi nous renouveler: les besoins des clients évoluent, mais notre qualité reste constante. Notre succès passe donc aussi par l’innovation.

Qu’est-ce qui fidélise vos collaborateurs et en incite certains à continuer de travailler au-delà de l’âge de la retraite? Cela tient-il aux principes que vous prônez en tant qu’employeur?
En tant qu’entreprise familiale, nous incarnons la stabilité, une qualité qui suscite de toute évidence la sympathie. Mais, et je le répète, nous sommes aussi dynamiques – peut-être parce que je suis à la fois propriétaire et directeur de l’entreprise – ce qui est stimulant. Si je devais qualifier mon style de gestion, je dirais qu’il est d’un patron proche de ses gens: je donne des instructions claires et prends souvent mes décisions «au feeling». Récemment, je n’ai pas hésité longtemps avant d’engager un menuisier de 57 ans, un choix dont je ne peux que me féliciter! J’attends beaucoup de mes collaborateurs, mais suis aussi très exigeant envers moi-même. Le but n’est toutefois pas de les soumettre à de trop fortes pressions, comme moi je peux l’être. Je ne veux pas que mes collaborateurs ramènent leurs soucis professionnels à la maison, où ils doivent pouvoir se reposer et se détendre. La longue histoire de mon entreprise me permet aussi de relativiser les choses: lorsque je suis confronté à des défis ou à des problèmes, je me dis que mes ancêtres ont eux aussi connu des conflits et des crises et que l’entreprise y a survécu. Cela me rassure, de même que mes employés.

Vous êtes aussi président de la section Unterwalden de l’Association suisse des maîtres menuisiers. Quel est l’intérêt de s’affilier à une association?
Je pense qu’il est important pour les entreprises de pouvoir collaborer et échanger leurs expériences. L’association est la plate-forme idéale pour le faire. A l’époque, l’artisanat et l’industrie travaillaient dans un tout autre état d’esprit: moins on avait affaire à la concurrence, mieux on se portait. La génération actuelle a opéré un virage à 180 degrés et estime au contraire que les échanges sur les plans technique et pratique apportent bien plus qu’ils ne nuisent.

A 40 ans, vous faites partie de cette jeune génération d’industriels. Quelles sont vos ambitions pour Frank Türen AG?
L’avenir, je n’y pense pas plus que nécessaire. Comme je vous l’ai dit, mon style de direction est plutôt intuitif. Les plans quinquennaux ne sont pas trop ma tasse de thé. Nos structures sont bien entendu axées sur la stabilité et la croissance, qualitative avant tout. Je ne cherche pas vraiment à agrandir la société. Ce qui me tient à coeur, c’est de pouvoir fabriquer, aujourd’hui comme dans 20 ans, des portes sûres, confortables et adaptées aux besoins de notre clientèle.