Les pièges du congé paternité imposé par la loi

17 mars 2019 Revue de presse

Peut-on être contre un congé paternité de deux semaines ancré dans la loi? Oui, répondent les partis politiques bourgeois et les associations économiques qui ont rejeté une proposition allant dans ce sens, récemment soumise à consultation. Un refus qui doit être avant tout compris comme une opposition à l’étatisation d’un tel congé susceptible de se traduire par une ingérence malvenue dans la gestion des entreprises. Des mesures volontaires sont préférables à la contrainte réglementaire.

Les entreprises n’ont pas attendu l’injonction légale pour agir. Si en droit suisse le congé usuel pour la naissance d’un enfant est d’un jour, de nombreux employeurs se montrent plus généreux selon des modalités – de durée et de financement – qui peuvent varier en fonction de la taille des entreprises. Cette tendance va se poursuivre à l’avenir car, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée s’aggravant, les entreprises ont un intérêt évident à rester attractives sur le marché de l’emploi.

Mais la générosité a ses limites. Gérer des absences de deux semaines poserait des problèmes organisationnels non négligeables pour l’écrasante majorité des entreprises suisses qui emploient moins de dix collaborateurs.

Réglementer la question au niveau politique reviendrait également à affaiblir le partenariat social. De nombreuses conventions collectives prévoient en effet un congé paternité, pour la plupart d’une durée de cinq jours. Ces solutions conventionnelles permettent de tenir compte de l’extrême diversité de notre tissu économique.

Comme toute nouvelle réglementation, l’allocation de paternité de deux semaines a un coût qui est estimé à 224 millions de francs par an, soit une hausse de 0,06 point pour le régime des allocations pour perte de gain. Une augmentation marginale est tout à fait supportable financièrement, comme le laissent entendre les partisans de cette nouvelle assurance sociale? Faux, rétorquent leurs adversaires, qui pointent du doigt une vision partielle de la réalité qui fait abstraction des nombreux projets de réformes sociales actuellement inscrits sur l’agenda politique.

Un congé pour les proches aidant, un congé d’adoption et une allocation de maternité en cas de séjour prolongé du nouveau-né à l’hôpital sont actuellement en discussion dans la Berne fédérale. Coûts estimés: 226 millions de francs par an. Autant de charges sociales supplémentaires susceptibles d’alourdir ultérieurement le coût du travail. Sans oublier que sous l’effet du vieillissement démographique, les besoins financiers nécessaires au maintien des prestations de prévoyance vieillesse au niveau actuel se chiffrent en milliards de francs.

La nécessité de mieux concilier travail et famille constitue un enjeu économique et social majeur. Or le congé paternité de deux semaines, même prolongé à quatre semaines comme le réclame une initiative populaire, ne contribuerait en rien à la réalisation de cet objectif.

Pour favoriser l’épanouissement de la famille, les efforts doivent porter à l’amélioration des offres d’accueil extrafamilial et, au sein des entreprises, par un recours accru au temps de travail flexible et au télétravail.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».