Derrière les chiffres du chômage, la pénurie de main-d’œuvre menace

20 janvier 2020 Revue de presse Opinions

La Suisse demeure un petit coin de paradis en matière d’emploi. Les chiffres le confirment: d’après le SECO, le taux de chômage a atteint 2,3% en moyenne en 2019, contre 2,5% l’année précédente, soit son plus bas niveau depuis 1997. Une preuve supplémentaire, si besoin était, de la forte capacité de résilience de l’économie d’exportation suisse face aux incertitudes liées au conflit commercial sino-américain, au Brexit ou encore à l’accord-cadre.

Cette évolution favorable se répercute aussi sur le Fonds de compensation de l’assurance-chômage qui, bénéficiant d’un excédent de 1,6 milliards de francs en 2019, a pu être complètement assaini. Conséquence: le pourcent de solidarité prélevé sur les salaires à partir de 148’200 francs devrait être supprimé à la fin de l’année 2020. Un bol d’air bienvenu pour les entreprises et pour une partie des salariés dans un contexte de hausse des cotisations sociales.

Autre nouvelle réjouissante: le taux de chômage des travailleurs âgés s’est établi à 2,2% pour l’année 2019, soit 0,1% de moins que la moyenne helvétique. Ce résultat contribue à tordre le cou à quelques idées reçues selon lesquelles les seniors seraient les grands perdants sur le marché de l’emploi. Il n’en demeure pas moins que les plus de 50 ans au chômage mettent en moyenne beaucoup plus de temps à retrouver un emploi que les plus jeunes.

La priorité doit donc être donnée à l’adoption de mesures favorisant le retour à l’emploi de cette catégorie de chômeurs. Le paquet de sept mesures adopté en mai dernier par le Conseil fédéral, avec le soutien des partenaires sociaux et destiné à améliorer l’employabilité des seniors, répond à cette exigence.

Mais ces chiffres ne disent pas tout. Derrière cette réussite, se cache une autre réalité: la pénurie de main d’œuvre. Aujourd’hui déjà de nombreuses entreprises – tous secteurs confondus – sont confrontées à un manque aigu de spécialistes. Un quart des PME serait concerné selon une enquête de CS. En raison de la vague de départ à la retraite de la génération du baby-boom, un demi-million de personnes pourraient manquer à l’horizon 2030.

Pour relever ce défi, le Conseil fédéral a lancé il y a quelques années une stratégie visant à encourager le potentiel de main d’œuvre indigène. Est-ce suffisant? Assurément, non. D’abord parce que les besoins croissants des entreprises en spécialistes ne peuvent être uniquement couverts par du personnel autochtone. Pour le dire autrement, dans les nouvelles technologies de l’information, la finance, les sciences de la vie, mais aussi dans les hautes écoles, la perle rare se trouve à l’étranger.

Ensuite parce que, face à l’essor de la numérisation, notre système de formation ne semble plus être adaptés aux besoins changeants du monde du travail. Une réforme s’impose. Dans ce contexte, la formation permanente devient une priorité, notamment pour l’acquisition de compétences numériques, afin d’améliorer l’employabilité des salariés et de faciliter les reconversions professionnelles.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».