Un poison pour le marché suisse du travail

9 juillet 2012 Opinions

Dans le cadre de la révision des règles d’assainissement de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) un plan social obligatoire sera introduit. Cette concession à des revendications syndicales est une pilule empoisonnée qui ne fera pas le bonheur des travailleurs.

Au cours de cette session, le Conseil des Etats a voté une révision de la LP dont le but est d’alléger les règles d’assainissement des entreprises. A cette fin, l’art. 333b CO sera notamment modifié de telle sorte que le repreneur d’une entreprise, dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, ne doive pas reprendre tous les contrats de travail en cours, comme c’est actuellement le cas.

Mais les syndicats s’étant prononcés contre cet assouplissement lors de la procédure de consultation (lequel vise pourtant à préserver une partie des effectifs de l’entreprise à la faveur de son assainissement!), voici que la Chambre haute a décidé d’introduire à titre «compensatoire» l’obligation d’un plan social dans les articles 335 h-k du Code des obligations.

Les entreprises de plus de 250 personnes qui licencient plus de 30 collaborateurs seront tenues de négocier un plan social avec ceux-ci. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, un tribunal arbitral fixera le plan, qui ne devra pas mettre en danger la survie de l’entreprise.

Les Etats ont refusé par 26 voix contre 11 une proposition de biffer et cédé ainsi à ce discutable marchandisage politique. Cette «compensation» est d’autant plus condamnable qu’elle n’a rien à voir avec l’assainissement des entreprises, qui était pourtant le seul objet de la révision. La révision a donc servi de prétexte à un certain nombre de sénateurs, qui avaient commencé par chanter les louanges du marché du travail libéral helvétique, pour intervenir dans la liberté d’embauche et de licenciement.

Le fait que la mesure se limite aux grandes entreprises montre aussi à quel point la décision de la Chambre haute obéit à un calcul politique. En cas de restructuration opérée par leurs propres moyens, elles paient ainsi le prix (politique) du sauvetage plus aisé offert aux entreprises qui ne peuvent s’en sortir qu’avec l’aide du dispositif d’assainissement légal. Cette logique absurde convient aussi mal à la «Chambre de réflexion» que les questions juridiques de détail laissées ouvertes par les nouvelles règles.

Ce que les syndicats pensent gagner grâce à cet élément de révision est pour le marché du travail un véritable venin qui ne fera aucun bien aux travailleurs. Le régime actuel laisse la question des plans sociaux en apanage aux partenaires sociaux et a fait ses preuves. Dans le cadre de conventions collectives ont vu le jour des «cultures de plans sociaux» différenciées qui tiennent compte des besoins et particularités de chaque secteur.

Uniformiser les plans sociaux par la loi entraîne au contraire un renchérissement démesuré des mesures de restructuration et une perte non négligeable de flexibilité pour le marché du travail. Sous le régime rigide des plans sociaux obligatoires, les entreprises hésiteront à embaucher, dans la crainte des surcoûts liés à d’éventuelles suppressions ultérieures de postes. Cet effet de «lock-out» est donc le prix élevé que les travailleurs devront payer un jour pour des  plans sociaux obligatoires.