Les chances de la numérisation ne doivent pas être étouffées dans l’œuf

22 décembre 2017 Revue de presse

La numérisation entraîne une augmentation de la demande de main-d’œuvre qualifiée. Cela oblige tous les instituts de formation à se réorienter. Il est, toutefois, contreproductif de vouloir anticiper sur la réglementation.

La numérisation et ses effets font les gros titres dans le monde entier. Des discussions controversées portent sur les mutations que l’évolution technologique entraîne pour l’économie et la société. Elles déstabilisent une grande partie de la population. Pour évaluer les conséquences de la numérisation sur le marché du travail, il faut considérer la question sous deux angles. Quantitativement, la demande de main-d’œuvre dépend, dans une très large mesure, du potentiel d’automatisation des emplois. Qualitativement, les travailleurs font face à de nouvelles exigences.

Ces deux problématiques peuvent être analysées indépendamment l’une de l’autre. Cela étant, il ne faut pas perdre de vue que la numérisation est un processus continu et qu’il a déjà modifié fortement la structure du marché du travail par le passé. Dans la plupart des cas, les employeurs forment leur personnel « sur le terrain » pour qu’il avance à la même allure que la technologie.

Dans les économies développées, les nouvelles technologies favorisent le déplacement de l’emploi vers des branches qui ne contribuent que de manière limitée à l’augmentation de la productivité. Les mutations structurelles observées ces dernières décennies se sont ainsi traduites par une diminution des emplois industriels et un accroissement des offres dans le tertiaire. Selon l’Office fédéral de la statistique, près de 950 000 emplois supplémentaires ont été créés en Suisse au cours des 25 dernières années. Contrairement à ce qui s’est passé dans l’économie privée, le secteur public et les branches proches de l’État ont connu une croissance de l’emploi fortement supérieure à la moyenne nationale, en raison d’une évolution de la productivité qui, elle, lui était inférieure. Le nombre des offres a donc augmenté dans la santé, le social, l’administration, l’éducation et la formation.

Des travailleurs qualifiés

La forte croissance de l’emploi durant ces dernières années laisse présager que l’on ne manquera pas de travail en Suisse dans un futur proche. Il est, toutefois, nécessaire d’agir au niveau de la qualification des travailleurs. En effet, les mutations structurelles font que l’on demande de plus en plus de gens capables de remplir des activités requérant une solide formation.

Pour réussir cette transition, il est décisif d’adapter rapidement les offres de formation et de perfectionnement aux nouvelles exigences de la numérisation. La Suisse s’y est préparée de manière exemplaire grâce à ses hautes écoles prestigieuses et à sa formation duale. Notre système éducatif offre une formation et une spécialisation proches de la pratique et, de ce fait, une intégration facilitée dans le marché du travail. La difficulté consistera surtout à adapter le contenu des formations des instituts et des entreprises formatrices aux exigences de l’économie, qui évoluent rapidement.

La numérisation est indiscutablement un défi pour l’économie suisse, notamment dans le domaine de la qualification et de la formation continue de la main-d’œuvre. Les chances qui en découlent sont cependant infiniment plus grandes, pour autant qu’elles ne soient pas étouffées dans l’œuf par des réglementations lourdes et malavisées. Si la Suisse veut rester performante dans la concurrence internationale, elle doit saisir sa chance et accroître son attrait tant pour la main-d’œuvre que pour les entreprises.

L’article de Roland A. Müller a été publié dans la revue «La Vie économique».