Le modèle à succès du marché du travail suisse face à quatre défis majeurs

15 janvier 2025 Revue de presse Opinions

Relation avec l’Union européenne, taille de la population, télétravail et salaire minimum au cœur de l’agenda politique 2025.

Avec un taux de chômage annuel moyen de 2,4 pour cent en 2024, la Suisse demeure un petit coin de paradis en matière d’emploi. Notre marché de travail ouvert et flexible, qui repose sur la primauté du partenariat social et le rôle subsidiaire de l’Etat, est au cœur de cette réussite. Or, plusieurs dossiers en cours dans la Berne fédérale et dans les cantons pourraient bousculer ce modèle à succès.

La politique européenne sera, à n’en pas douter, l’un des enjeux cruciaux de 2025. Le paquet des bilatérales III devrait être mis en consultation avant l’été, puis être discuté par le Parlement dès la fin de l’année. Il sera vraisemblablement mis au vote en 2028. Le chemin s’annonce incertain, mais une chose est sûre: le rejet du compromis négocié entre Berne et Bruxelles mettrait non seulement en péril la pérennité de la voie bilatérale, mais aussi le recrutement facilité de personnel en provenance de l’Union européenne (UE).

En 2025, le Parlement se penchera également sur l’initiative populaire de l’UDC «Pas de Suisse à 10 millions! (initiative pour la durabilité)». Ce texte insidieux prévoit la résiliation de l’accord bilatéral sur la libre circulation des personnes avec les Vingt-Sept en cas de dépassement du seuil de 10 millions d’habitants avant 2050. Un véritable autogoal dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Le salaire minimum est un corset réglementaire qui met à mal l’efficacité du marché du travail et affaiblit le partenariat social

Déposée en 2016, l’initiative parlementaire «Assouplir les conditions encadrant le télétravail», revient sur le devant de la scène. En septembre dernier, la commission de l’économie et des redevances du Conseil national a mis en consultation un projet de mise en œuvre. Ce dernier prévoit notamment de porter de 14 à 17 heures l’intervalle maximal durant lequel le travail de jour et du soir peut être effectué. Parallèlement, la Commission préconise d’ancrer dans la loi sur le travail le droit à la déconnexion.

Un pas en avant, un pas en arrière. S’il faut saluer l’extension à 17 heures du cadre horaire journalier, qui permet aux télétravailleurs de mieux concilier travail et obligations privées, il y va autrement du droit à la déconnexion. Une mesure inutile car en vertu de la loi sur le travail, l’employeur ne peut pas contraindre ses collaborateurs à être joignables pendant les périodes de repos.

En mai 2014, 76 pour cent des Suisses ont rejeté l’initiative populaire sur les salaires minimums. Dix ans après, changement de décor: cinq cantons (Neuchâtel, Jura, Genève, Tessin, Bâle-Ville) ont franchi le cap. Et d’autres pourraient suivre: une votation sur l’introduction d’un salaire minimum de 23 francs de l’heure devrait se tenir cette année dans le canton de Vaud. Fribourg et le Valais devraient lui emboîter le pas en 2026.

Cette évolution est préoccupante à plus d’un titre. Le salaire minimum est un corset réglementaire qui met à mal l’efficacité du marché du travail et affaiblit le partenariat social. De plus, comme le montre l’exemple genevois, il diminue les chances des jeunes de 18 à 25 ans sans diplôme et des chômeurs de plus de 55 ans à trouver un emploi.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».