Quel télétravail pour les frontaliers?

28 février 2022 Revue de presse Opinions

Le bout du tunnel, enfin. Sous tutelle étatique depuis près de deux ans, les entreprises ont retrouvé leur liberté d’action le 17 février dernier. La suppression de la recommandation de télétravail participe de ce retour à la normalité. Désormais, les employeurs auront toute latitude de choisir de quelle manière ils appliqueront le travail à distance.

L’expérience récente montre que le télétravail à haute dose a son revers. Tout laisse à penser que nombre d’entreprises se tourneront vers un modèle hybride, en partie au bureau et en partie à la maison, pour bénéficier du meilleur des deux mondes.

Or, la pérennisation du home office risque de se heurter au problème des frontières puisque, durant la pandémie, la Suisse et ses voisins européens ont suspendu l’application de certaines règles qui encadrent le télétravail transfrontalier.

En ce qui concerne la France, cette situation d’exception devrait prendre fin le 31 mars prochain. Après cette échéance, le régime ordinaire s’appliquera à nouveau avec des conséquences considérables, tant au niveau social que fiscal.

Ainsi, dès le 1er avril, le règlement CE n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale sera remis en vigueur. Celui-ci stipule que si l’employé est en télétravail à 25 pour cent au moins, il sera soumis au régime de sécurité sociale de son pays de résidence. Un changement d’assujettissement qui n’est pas sans conséquence, en particulier pour les employeurs romands, car en France les charges sociales sont nettement plus onéreuses que chez nous.

Sur le plan fiscal, le télétravail transfrontalier peut également entraîner de fâcheuses conséquences pour les employeurs. L’exemple du canton de Genève illustre ce constat. A la fin du «régime d’exception», en cas de télétravail d’un employé frontalier en France, les entreprises genevoises se verront dans l’obligation de désigner un représentant fiscal pour procéder à la retenue à la source de l’impôt français. Or, une telle démarche est pénalement répréhensible (car contraire à l’article 271 du code pénal).

Une épée de Damoclès qui pèse sur bon nombre des 150’000 travailleurs frontaliers actifs en Suisse romande et qui pourrait contraindre certains employeurs à renoncer au travail à distance. Pour mettre fin à cet imbroglio juridique, il faudrait changer les règles transfrontalières. Un vœu pieux après l’abandon de l’accord-cadre?

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».