Le partenariat social en péril

9 décembre 2019

Le partenariat social fait son retour dans l’agenda politique fédéral. Le 19 décembre prochain, le Conseil des Etats se penchera sur la motion Baumann «Conventions collectives nationales de travail. Renforcer le partenariat social». Le sénateur démocrate-chrétien réclame la priorité des conventions collectives de travail (CCT) étendues sur le droit cantonal.

Pour mieux saisir les enjeux liés à cette intervention parlementaire, un petit retour en arrière s’impose. Souvenez-vous, le 18 mai 2014, le peuple suisse a massivement rejeté l’initiative populaire sur les salaires minimums. Le texte n’a trouvé grâce dans aucun canton. Dans son message, le Conseil fédéral relevait avec pertinence que «L’excellent fonctionnement du partenariat social constitue un atout majeur de la place économique suisse. Avec l’introduction d’un salaire minimum légal, il serait affaibli».

Ce cuisant échec à l’échelon fédéral contraste avec l’adoption de plusieurs initiatives cantonales en faveur d’un salaire minimum légal à Neuchâtel (en 2011), dans le Jura (2013) et au Tessin (2015). Une véritable cacophonie fédéraliste, à laquelle est venu s’ajouter le très controversé verdict du Tribunal fédéral d’août 2017 qui valide l’instauration d’un salaire minimum à Neuchâtel. Les juges de Mont-Repos estiment que cette mesure se justifie au titre de la politique sociale, elle est conforme au droit fédéral et ne viole pas le principe constitutionnel de la liberté économique.

Un jugement incompréhensible d’un point de vue juridique puisque, en matière de fixation des salaires, le droit fédéral contient une réglementation exhaustive. La loi fédérale sur le travail est fondée sur le principe de la liberté des salaires qui ne peut être limitée que par les instruments prévus par la loi elle-même, à savoir les contrats-type de travail et les convention collective de travail déclarée de force obligatoire.

Mais il y a pire: l’arrêt de la Haute Cour sape le partenaire social, pièce maitresse de la prospérité helvétique. Il est susceptible d’instaurer en effet une nouvelle hiérarchie des normes selon laquelle une CCT conclue par les organisations patronales et syndicales, qui est déclarée de force obligatoire pour l’ensemble de la Suisse par le Conseil fédéral, peut être invalidée par des dispositions cantonales. A qui bon négocier la fixation des salaires entre partenaires sociaux si le résultat peut être annulé par des dispositions cantonales?

Il n’est pas à exclure que des cantons soumettent les travailleurs à des conditions moins favorables que celles qui figurent dans la CCT. Autre risque: comme l’a bien souligné la Commission compétente de la Chambre des cantons, l’adoption de salaires minimaux dans différents cantons pourrait aboutir à un véritable patchwork.

Le partenariat social est un bien précieux qui doit être sauvegardé. Le Parlement serait bien inspiré d’accepter la motion Baumann qui rétablit la primauté des CCT sur le droit cantonal et qui, ipso facto, limite l’application des salaires minimaux dans les domaines dénués de toute protection offerte par une convention collective.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».