Compromis du deuxième pilier: des critiques infondées

17 février 2020

«Une chance de parvenir à une réforme de la prévoyance professionnelle susceptible de rallier une majorité». C’est en ces termes que le Conseil fédéral a apporté son appui au modèle élaboré conjointement par l’Union patronale suisse, l’Union syndicale suisse et Travail.Suisse pour moderniser la LPP, qu’il a mis en consultation jusqu’à fin mars.

Un soutien qui ne suffit pas à faire taire les critiques. Rarement un compromis obtenu entre les partenaires sociaux aura soulevé autant de questionnements. Et pourtant il représente la seule solution présentée jusqu’ici à même d’assurer la pérennité du deuxième pilier.

L’accord paritaire recèle plusieurs atouts. Il permet d’abaisser de 6,8 à 6,0 pour cent le taux de conversion minimal tout en garantissant le niveau actuel des rentes. Il renforce l’employabilité des travailleurs âgés puisque leur taux de cotisation passera de 18 à 14 pour cent. De plus, en déduisant de moitié la déduction de coordination, il offre une meilleure couverture dans la LPP aux emplois à temps partiel, où les femmes sont majoritaires.

Mais les détracteurs du compromis n’en ont cure. Ils s’opposent de façon idéologique au supplément de rente, financée solidairement par une cotisation salariale de 0,5 pour cent et destinée à tous les nouveaux retraités. A leurs yeux, instiller une dose de redistribution dans le deuxième pilier, fondé sur la logique de capitalisation, constitue un sacrilège qui risque d’ébranler l’édifice de la prévoyance professionnelle.

Ces critiques sont infondées. Tout d’abord, parce que le supplément mensuel est le prix à payer pour maintenir le niveau des rentes et consolider la prévoyance professionnelle. C’est surtout la condition sine qua non pour passer le cap de la votation populaire. Doit-on rappeler qu’en mars 2010, le peuple avait massivement rejeté un projet de réduction du taux de conversion minimal de 6,8 à 6,4 pour cent, faute de compensation suffisante?

6 milliards par année

Ensuite, parce que le modèle des partenaires sociaux ne prévoit pas de financement croisé entre l’AVS et la prévoyance professionnelle. Pour le dire autrement, pas un seul centime de la contribution solidaire ne passe par l’AVS. Les intégristes de la LPP semblent également oublier que les institutions de prévoyance intègrent déjà des mécanismes collectifs dans leur mode de fonctionnement.

Le taux de conversion trop élevé et les taux négatifs créent un déséquilibre entre la prestation à verser et son financement.

Les assurés actifs sont ainsi appelés à contribuer au paiement des prestations versées aux retraités. Le Conseil fédéral chiffre l’ampleur de cette redistribution à plus de 6 milliards de francs par année. Enfin, il y a lieu de rappeler que la LPP n’aurait pas pu voir le jour sans une composante de répartition. Lors de sa mise en application le 1er janvier 1985, un régime spécial avait été introduit en faveur de la nouvelle génération. Les mesures spéciales prévoyaient des prestations minimales garanties pendant 20 ans, qui devaient être financées par une cotisation salariale paritaire de 1 pour cent prélevée sur la somme totale des salaires assurés.

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agéfi».