«Face aux problèmes psychiques, une culture d’ouverture s’impose»

Les maladies psychiques sont à l’origine de beaucoup de souffrance humaine et engendrent aussi fréquemment des coûts élevés, notamment pour les employeurs. C'est une raison suffisante pour que ce sujet ne soit pas simplement mis de côté, mais au contraire traité de manière proactive dans les entreprises, estime Daniel Göring, qui a lui-même souffert d’un syndrome d'épuisement professionnel. Il en appelle cependant aussi à la responsabilité individuelle des personnes concernées.

Préventivement, que peuvent faire employeurs et employés pour éviter les maladies psychiques et toutes leurs conséquences négatives?
Pour les employés, il est essentiel de maintenir un équilibre de vie, c’est-à-dire de se ménager dans la vie de tous les jours des occasions de compensation à l’égard du travail. Décompresser régulièrement permet de recharger ses batteries et de préserver son efficacité. A l’ère de l’accessibilité permanente, je considère comme particulièrement important de délimiter également l’espace privé et ne pas être constamment connecté. Pour des raisons privées ou professionnelles, les outils de communication actuels peuvent donc être des facteurs de stress. De son côté, l’employeur devrait être sensible aux changements de comportement de ses collaborateurs. Une présence plus longue sans charge de travail accrue, un isolement social, la manifestation d’un certain cynisme ou encore des absences courtes et répétées sont des signaux d’alarme typiques. Les supérieurs de la personne concernée devraient en parler directement. Pour les collègues de travail, il peut être plus simple, selon les relations qu’ils ont avec elle, de faire état de leurs observations à leur chef.

Plus facile à dire qu’à faire. Plus d’un reculerait face à une confrontation directe, par crainte d’être dépassé par la situation.
Oui, les maladies psychiques restent un sujet passablement tabou et touchent la pudeur. Si personne n’éprouve de difficulté à parler des symptômes de la grippe, il n’en est pas de même pour la dépression. La question de la réaction appropriée peut effectivement dépasser un supérieur. Une aide professionnelle devrait donc s’y adjoindre, venant soit d’une personne formée de la division du personnel, soit d’un(e) spécialiste externe.

Comment favoriser une culture d’ouverture pour traiter les problèmes psychiques?
Il est essentiel d’être conscient que les troubles psychiques, telle une dépression, sont une maladie et que les sujets qui en souffrent ne peuvent pas les surmonter simplement en se ressaisissant. Les traiter pose en préalable l’existence d’une culture ouverte au sein de l’entreprise. L’engagement à cet égard doit venir du sommet de la hiérarchie : il est du devoir du management de traiter les problèmes psychiques sur le lieu de travail et de veiller à ce qu’une culture de confiance au sein de l’entreprise permette aux collaborateurs de communiquer ouvertement et honnêtement. Il en va de même des supérieurs par rapport à leurs collaborateurs, quand ils vivent la même expérience et se sentent surchargés.

En tant que personne ayant elle-même été touchée, vous vous mobilisez pour sensibiliser les gens aux thèmes du burnout, de l’épuisement et de la santé psychique au sein de l’entreprise. Selon votre expérience, les employeurs sont-ils prêts à aborder ces thèmes de manière aussi proactive?
Cette volonté est très variable: il y a des entreprises pour lesquelles ces sujets sont importants et qui les traitent dans le cadre de séminaires internes et aussi – de manière particulièrement utile – d’échanges interhiérarchiques. Mais il existe également des entreprises qui préfèrent ne pas thématiser les maladies psychiques, car elles ne veulent pas donner à penser qu’elles pourraient avoir quelque problème à cet égard. J’ose affirmer que ce sont précisément ces entreprises-là qui en souffrent le plus souvent. Un troisième groupe d’entreprises ne voit simplement pas la nécessité d’aborder ces questions.

Que dites-vous à celles-là?
Les employeurs assument une responsabilité envers leurs collaborateurs et il est dans leur propre intérêt que ceux-ci ne quittent pas leur travail pour des raisons psychiques. Car, en plus de la souffrance humaine, des coûts importants pour l’entreprise comme pour l’économie peuvent être évités en gardant en poste ces collaborateurs. Les gens qui subissent un burnout ou une dépression font preuve généralement d’un engagement important, d’exigences élevées envers eux-mêmes et d’un sens aigu des responsabilités. Ces qualités en font des collaborateurs de valeur pour l’entreprise. Tous les intervenants ont donc intérêt à les garder ou à les réinsérer. C’est possible lorsqu’il y a la volonté, tant de l’employeur que des collègues de travail, de donner une chance à ces personnes, de ne pas les stigmatiser, de ne pas les mettre dans une bulle ou de les charger excessivement. De même – et il est important de le souligner – les personnes concernées doivent apporter leur contribution. Sans leur volonté de travailler sur eux-mêmes et de modifier leur comportement, cela ne marche pas. Ils doivent apprendre à gérer leurs ressources personnelles de manière durable. Je suis passé par là, moi aussi.