Un compromis raisonnable, vraiment?

19 septembre 2017 Revue de presse

Au lieu de moderniser la prévoyance vieillesse, la réforme ne fait que la compliquer.

Equilibrée, raisonnable, moderne: à en croire ses partisans, la réforme Prévoyance vieillesse 2020 (PV 2020) serait parée de toutes les vertus.

Mais derrière les slogans, la réalité est moins reluisante. A commencer par le parcours parlementaire très chahuté qu’a connu la réforme portée par une alliance de centre-gauche.

Privée du soutien du PLR et de l’UDC, nécessitant la convocation d’une Conférence de conciliation et acceptée par une infime majorité de 101 voix au National, le projet a passé le cap des Chambres fédérales aux forceps.

La bonification mensuelle de 70 francs pour tous les nouveaux rentiers AVS est vendue par les partisans de la réforme comme part de compensation dû à l’abaissement du taux de conversion minimal LPP. En réalité, les 70 francs ne sont rien d’autre qu’une augmentation des rentes car 6 sur 7 personnes sont assurés sur-obligatoire dans la LPP et ne sont donc pas affectés par l’abaissement du taux de conversion minimal LPP.

Au lieu de moderniser la prévoyance vieillesse, la réforme ne fait que la compliquer: le calcul de la déduction de coordination, qui détermine le salaire assuré auprès de la Caisse de pension.

Désormais, cette déduction ne sera plus fixée à 24’675 francs, mais correspondra à 40 pour cent du revenu AVS, avec un minimum à 14’100 francs et un maximum à 21’150 francs. Cette complexité risque d’engendrer des charges administratives et une insécurité juridique considérables, en particulier pour les PME et les branches à forte fluctuation de personnel.

Le principe de solidarité attaqué

Mais il y a pire. La PV 2020 s’attaque au principe de solidarité, fondement de notre système de prévoyance. Si le souverain accepte la PV 2020 le 24 septembre prochain, une AVS à trois classes verra le jour: les rentiers actuels qui ne recevront rien; la génération de transition (entre 45 et 65 ans) qui bénéficiera de la garantie des droits acquis dans le 2e pilier et qui profitera, en plus, du bonus de 70 francs et, enfin les moins de 45 ans qui vont payer la facture.

Des dizaines de milliers de futurs retraités modestes figurent également parmi les perdants de la réforme. Pour eux, le supplément sur la rente AVS sera en effet neutralisé par la baisse des prestations complémentaires (PC), qui elles sont exonérées d’impôts. Certains d’entre eux perdraient même les avantages liés aux PC, tel que le remboursement des frais de maladie et d’invalidité.

Les chiffres le montrent: la PV 2020 n’apporte qu’un répit provisoire aux finances de l’AVS.

Dès 2027, un trou béant d’un milliard de francs est attendu. Il s’amplifiera à 3 milliards en 2030, voire à 7 milliards par an en 2035. En fait, l’extension de l’AVS aggrave encore les problèmes structurels de l’assurance.

Si le oui l’emporte le 24 septembre, trois mesures d’assainissement draconiennes s’imposeront jusqu’en 2035: porter l’âge de la retraite à plus de 67 ans, augmenter les cotisations salariales de près de 1,5 point ou majorer la TVA de près de 2 points. Compte tenu de cette évolution alarmante, est-ce bien raisonnable d’apporter son soutien à la PV 2020?

Le commentaire de Marco Taddei est paru dans «L’Agefi».