Une plainte sans fondement

28 septembre 2015 Nouvelles

Un avis de droit de l’Université de Neuchâtel propose plusieurs pistes pour renforcer la protection des représentants des travailleurs contre un licenciement abusif. Mais la portée d’une telle expertise juridique, qui se base sur une plainte de l’Union syndicale suisse, doit être relativisée: elle ne remet pas en cause les arguments avancés par l’Union patronale suisse contre un renforcement de la protection.

Une nouvelle brève parue sur le site internet de la Confédération nous apprend que le Conseil fédéral vient de prendre acte d’une étude sur la protection accordée aux représentants des travailleurs, réalisée par le Centre d’étude des relations du travail de l’Université de Neuchâtel, sur mandat du secrétariat d’état à l’économie et de l’office fédéral de la justice. La publication de cette étude universitaire est la dernière étape d’un long processus qui trouve son origine dans une plainte déposé par l’Union syndicale suisse (USS) contre la Suisse à l’Organisation internationale du travail (OIT) en mai 2003. Selon l’USS, la sanction prévue par le droit suisse pour punir un licenciement abusif, pouvant aller jusqu’à six mois de salaire, protégerait insuffisamment les représentants des travailleurs et ne respecterait pas les obligations découlant de la convention 98 de l’OIT sur le droit d’organisation et de négociation collective, ratifiée par la Suisse en 1999.

L’avis de droit de l’Université de Neuchâtel conclut que, en comparaison internationale, le droit suisse accorde une protection «ad minima» contre le congé abusif à l’ensemble des employés et aux représentants des travailleurs en particulier. Elle met également en exergue la pression exercée sur la Suisse par les organisations internationales – OIT et Conseil de l’Europe – pour que celle-ci adapte sa législation en la matière.

Forts de ces constats, les experts neuchâtelois proposent plusieurs pistes pour renforcer la protection des représentants des travailleurs, parmi lesquelles figure le relèvement jusqu’à douze mois de l’indemnité en cas de licenciement abusif.

Déposée en 2003, la plainte de l’USS auprès de l’OIT est toujours pendante. L’étude du Centre d’étude des relations du travail de l’Université de Neuchâtel vient certes apporter de l’eau au moulin des revendications de l’USS en matière de renforcement de la protection accordée aux représentants des travailleurs, qui bénéficiaient déjà de l’oreille attentive des organes de l’OIT. Mais la portée d’une telle expertise juridique doit être relativisée, car comme le dit l’adage «deux juristes, trois avis».

Plus fondamentalement, l’étude ne remet pas en cause les arguments avancés tant par le Conseil fédéral que par l’Union patronale suisse contre la plainte de l’USS, qui peuvent être résumés comme suit:

  • le Code des obligations (CO) est conforme à la Convention 98 de l’OIT: l’indemnité pouvant aller jusqu’à six mois de salaire en cas de licenciement abusif, constitue un moyen suffisamment dissuasif eu égard du fait que l’écrasante majorité des entreprises suisses sont des PME.
  • la Convention 98 de l’OIT n’est pas directement applicable dans l’ordre juridique suisse. Un avis de droit de l’Office fédéral de la justice du 8 mars 2006 a qualifié de non-contraignante la pratique du CLS de l’OIT.