Négociation salariale: la prudence est de mise

26 septembre 2016 Revue de presse

L’Union syndicale suisse réclame des augmentations de salaires générales allant jusqu’à 1,5%. Moins gourmands, les camarades de Travail.Suisse demandent une hausse de 1 pour cent pour la majorité des travailleurs. Les associations patronales savent donc à quoi s’en tenir: vont-elles accepter les desiderata des centrales syndicales? Rien n’est moins sûr.

L’économie suisse continue d’afficher une santé de fer, malgré le franc fort. Les experts du Seco s’attendent à une croissance du PIB de 1,5 pour cent pour l’année en cours. Sur le front de l’emploi les nouvelles sont également réjouissantes: le taux de chômage devrait s’établir à 3,3 pour cent en 2016, soit une diminution de 0,2 pour cent par rapport à janvier 2015, lorsque la Banque nationale suisse avait supprimé le taux plancher face à l’euro.

Cette embellie conjoncturelle donne des ailes aux syndicats. Pour 2017, l’Union syndicale suisse réclame des augmentations de salaires générales allant jusqu’à 1,5 pour cent. Moins gourmands, les camarades de Travail.Suisse demandent une hausse de 1 pour cent pour la majorité des travailleurs. Les associations patronales savent donc à quoi s’en tenir: vont-elles accepter les desiderata des centrales syndicales? Rien n’est moins sûr.

D’abord, parce que revendiquer une hausse uniforme des rémunérations d’au moins 1 pour cent, c’est faire fi de la grande diversité – sectorielle et régionale – du tissu économique suisse. Le niveau des salaires ne se décrète pas d’en haut. Il se négocie de manière décentralisée en fonction d’une multitude de paramètres, tels l’évolution du marché du travail, la productivité, la santé financière et les résultats de chaque branche et entreprise.

Si, à la lumière de ces éléments, les perspectives s’annoncent favorables, des hausses de salaire ciblées doivent être prévues de manière à faire participer les collaborateurs aux résultats de leur entreprise. Là où, en revanche, la situation est tendue, les travailleurs devront être prêts à renoncer à des hausses de leur revenu, en privilégiant le développement de l’entreprise et le maintien des emplois. C’est notamment le cas des secteurs de la construction et de l’industrie des machines, qui connaissent un préoccupant recul du nombre d’emploi et des investissements depuis le début de l’année.

Les centrales syndicales appuient leurs prétentions sur le retour attendu de l’inflation vers la fin de l’année. C’est faux: les estimations de l’Office fédéral de la statistique prévoient un renchérissement annuel négatif pour 2016 (- 0,4%). Dit autrement, le pouvoir d’achat se maintiendra même si les salaires restent inchangés. Les syndicats ont également tort d’exiger des employeurs une augmentation des rémunérations afin de compenser la hausse des primes des caisses-maladie, qui est une dépense étrangère à l’activité des entreprises. Les exigences des syndicats paraissent excessives au regard des incertitudes économiques et politiques qui planent sur la Suisse.

Les turbulences sur les marchés financiers, l’instabilité de la zone euro, l’insécurité liée à la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse, la grande inconnue du Brexit, sont autant d’aléas qui freinent la propension des entreprises à investir et à créer des emplois. Dans un contexte où, franc fort oblige, la pression à la baisse des coûts et aux gains de productivité demeure élevée, leur marge de manœuvre pour des augmentations de salaires se voit réduite. N’en déplaise aux syndicats, ces impondérables devront figurer sur la table des négociations salariales pour 2017.

L’article de Marco Taddei a été publié dans «l’Agefi».