Le populisme syndical exacerbé en Suisse

15 janvier 2015 Revue de presse

La dernière démonstration de l’Union syndicale suisse pour l’égalité salariale relève du déni de démocratie.

«Depuis 1996, les écarts de salaire se sont fortement creusés en Suisse», dixit l’Union syndicale suisse (USS). Et de préciser que, durant cette période, les salaires des 1 pour cent des personnes les mieux rémunérées ont augmenté de 40 pour cent, alors que la progression n’a été que de 8 pour cent pour les bas revenus et de 12 pour cent pour les revenus moyens.

Ces vingt dernières années, les richesses auraient donc été distribuées de manière très inégalitaire dans notre pays. Partiale et partielle, l’analyse de la centrale syndicale contredit plusieurs études montrant qu’en Suisse la concentration des revenus, modérée en comparaison internationale, est restée stable ces dernières années. Syndicat de combat, l’USS ne se contente pas de dénoncer la supposée iniquité salariale, mais propose un plan d’action reposant sur un bric-à-brac de mesures de politique salariale, fiscale, sociale et de la santé: hausse générale des salaires, introduction d’un impôt fédéral sur les successions, majoration des rentes de l’AVS à travers l’initiative populaire «AVSplus: pour une AVS forte», augmentation des subsides destinés aux primes maladies, financement de l’assurance maladie en fonction du revenu.

Cet inventaire à la Prévert recèle un double déni: déni de démocratie, car le souverain s’est opposé à deux reprises à des primes d’assurance maladie proportionnelles au revenu et, dans la majorité des cantons, a refusé l’imposition des successions en ligne directe. Déni économique également: comment financer ce programme de redistribution des richesses, dont le coût se monterait à plusieurs milliards de francs par an?

Lancée par l’USS et vraisemblablement soumise à votation en 2016, l’initiative «AVSplus» illustre de manière exemplaire à quel point les syndicats sont déconnectés de la réalité. Partant du constat que les rentes du 1er pilier ne suffisent plus à couvrir les besoins vitaux de nombreux retraités, les initiants exigent une majoration linéaire de 10 pour cent des prestations de l’AVS.

Mais la générosité syndicale a son revers: le budget de l’AVS devra supporter 4,1 milliards de francs supplémentaires par an. Allongement de l’espérance de vie aidant, le déficit de notre principale assurance sociale pourrait ainsi atteindre les 12,7 milliards d’ici 2030. Pour couvrir ces nouvelles charges, l’USS préconise de relever les impôts (TVA, impôt sur le tabac) ainsi que les cotisations à l’AVS des employeurs et des salariés. Autre effet pervers: pour les rentiers à faible revenu, censés être les principaux bénéficiaires de l’initiative, le supplément sur la rente AVS serait neutralisé par la baisse des prestations complémentaires. L’Etat reprendrait d’une main ce qu’il donne de l’autre…

N’en déplaise aux syndicats, la Suisse n’a pas perdu la boussole sociale: doit-on rappeler que le 1 pour cent des contribuables les plus aisés assurent près de 40 pour cent des recettes de l’impôt fédéral direct? Et que les subsides destinés à la réduction des primes d’assurance-maladie profitent au quart de la population? Les instances dirigeantes de l’USS seraient bien inspirées de lire le «Rapport social statistique suisse 2011» du Conseil fédéral, selon lequel 20 pour cent des ménages actifs ayant le revenu le plus faible tirent un quart de leur revenu des transferts sociaux et des transferts reçus d’autres ménages. La conclusion de l’exécutif fédéral est sans appel: «Le système fiscal et les transferts sociaux permettent de réduire de manière significative l’inégalité mesurée sur la base du revenu disponible ».

L’article de Marco Taddei a été publié dans «l’Agefi».