La clause nécessaire mais pas encore entièrement suffisante

15 décembre 2015 Revue de presse

Le Conseil fédéral opte désormais pour la clause sur la libre circulation des personnes.

C’est ce qui s’appelle changer son fusil d’épaule. Après avoir prôné pendant plusieurs mois une application au pied de la lettre de l’initiative sur l’immigration de masse, le Conseil fédéral opte désormais pour une approche plus souple, faisant sienne la clause de sauvegarde, calquée sur le modèle élaboré par l’Union patronale suisse et economiesuisse.

Plafonds, contingents annuels, principe de la préférence nationale: le carcan imposé par l’article 121a de la Constitution fédérale a non seulement pour effet mettre sous tutelle étatique le recrutement de main-d’œuvre étrangère, mais contrevient à l’accord sur la libre circulation des personnes conclu avec l’UE. Cela risque, la clause guillotine aidant, d’ébranler l’ensemble de l’édifice des bilatérales.

Un risque à ne pas courir, car un tel scénario pourrait coûter, à terme, plusieurs centaines de milliards de francs à notre économie. Mais alors comment concilier l’inconciliable, à savoir l’ouverture de notre marché du travail dans le respect de la volonté populaire exprimée le 9 février 2014? Par l’introduction d’une clause de sauvegarde répond le Conseil fédéral.

Ancrée dans la loi fédérale sur les étrangers, cette clause assure le maintien de la libre circulation des personnes avec les États de l’UE/AELE jusqu’à l’atteinte d’un seuil fixé chaque année. Au-delà de cette limite, l’immigration sera contingentée. Reste à espérer que cette solution trouve grâce aux yeux de l’UE. L’optimisme est de mise dès lors qu’une telle option est déjà pratiquée par les instances communautaires.

Même si elle répond «aux intérêts économiques globaux de la Suisse», la clause de sauvegarde ne constitue pas pour autant, une fois le seuil d’immigration dépassé, un garde-fou contre les fastidieuses tracasseries bureaucratiques inhérentes au système des contingents. A en croire une première estimation du Seco, le fardeau administratif des entreprises pourrait s’alourdir de 80 millions de francs par an.

Seule une application souple de la nouvelle disposition constitutionnelle permettra de minimiser ces coûts. Et dans trois domaines au moins, le texte constitutionnel laisse une certaine marge de manœuvre aux autorités d’exécution: le contingentement, la préférence nationale et les frontaliers. Dans un rapport de février 2015, le Conseil fédéral reconnaît qu’il est possible de renoncer à créer des contingents pour les autorisations de séjour jusqu’à une année, puisque «selon la définition en vigueur, il y a immigration dans la population résidente permanente de nationalité étrangère seulement lorsque le séjour dure plus d’une année». Du coup, les actuels détenteurs de permis de courte durée (permis L), devraient échapper au système des contingents.

L’application du principe de la préférence nationale admet également une certaine souplesse. La priorité des travailleurs autochtones ne doit pas nécessairement être établie au cas par cas (par l’entreprise), mais de manière plus large lors de la détermination des nombres maximums. De plus, des dérogations devraient être prévues pour les professions dans lesquelles il existe une pénurie avérée de main-d’œuvre.

A la lecture de l’article 121a Cst le doute n’est pas permis: les plafonds et les contingents s’appliquent aussi aux frontaliers. Toutefois, rien ne s’oppose à ce que, afin de mieux tenir compte des spécificités locales, le fédéralisme d’exécution prime sur la centralisation, en laissant à chaque canton le soin de fixer son contingent.

L’article de Marco Taddei a été publié dans «l’Agefi».