Garder les pieds sur terre et faire marcher sa tête!

17 juillet 2014 Opinions

Travail Suisse exige quatre semaines de congé paternité – financé par les cotisations APG. Les bras nous en tombent!

Goutte à goutte, l’eau creuse la pierre. Telle est l’approche que semblent privilégier les syndicats pour étendre l’Etat social. Comme s’il pressentait l’échec grandiose de l’initiative sur les salaires minimums, Travail Suisse a déjà lancé sa prochaine initiative peu avant la votation. Les jours où les pères s’allongent sur le canapé au retour du travail sont comptés, proclame-t-il, car ils joueront de plus en plus un rôle actif dans la vie familiale. D’où la nécessité, pour Travail Suisse, de leur offrir quatre semaines de congé en reconnaissance de cet engagement. Et pour que toutes les entreprises – les PME surtout – puissent se permettre cette libéralité, il faut la financer par le régime des allocations pour perte de gain (APG).

En tant que père qui, de nombreuses années durant, au retour d’une journée de travail, n’a pas songé qu’à s’allonger sur le canapé mais a surtout consacré beaucoup de temps à sa fille – le soir, et le jour aussi! – cette image des pères véhiculée par Travail Suisse me laisse pantois. Comme si les pères qui travaillent à plein temps tout en honorant leurs obligations familiales étaient une nouveauté dans l’histoire humaine!

La fable des APG en pleine santé
Le plus important est ailleurs: pour Travail Suisse, le financement de ces quatre semaines de congé par les APG ne présenterait aucun problème. Le Conseil fédéral en évalue pourtant le coût à 384 millions de francs. Ce n’est certes pas gratuit, mais pas exorbitant non plus, insiste Travail Suisse, puisque les APG ont affiché un bénéfice de 148 millions en 2013. Mais calculons: en retranchant 384 millions de 148 millions, il reste encore 236 millions à trouver! L’introduction du congé-paternité ne pourra donc pas être financée par une majoration au mieux nulle, au pire modeste, des cotisations APG.

En 2011, le Conseil fédéral a déjà relevé temporairement ces cotisations de 0,3 à 0,5, pour une durée li mitée à fin 2015, ce qui a eu des effets positifs sur le résultat comptable de 2013. Cette mesure a permis d’absorber les dépenses supplémentaires de l’assurance-maternité et de redonner une stabilité financière au fonds APG. Les réserves du fonds étaient en effet tombées sous la limite légale en 2012 déjà. Grâce au relèvement temporaire de la cotisation, le fonds devrait retrouver des bases financières solides à la fin de 2015.

Mais sur ce point, Travail Suisse a manifestement la mémoire courte. Sans ce surplus financier temporaire, l’APG serait aujourd’hui en mauvaise posture. Une nouvelle extension de ses prestations n’est donc pas envisageable. Sans compter qu’en 2016, les cotisations – après l’assainissement réussi du fonds APG – devraient retrouver leur niveau d’origine.

En fait, le véritable grand défi va consister à maîtriser les effets du déficit démographique dans la prévoyance vieillesse. Et l’on n’y parviendra pas complètement sans financement supplémentaire. En matière de politique sociale, la priorité est donc très claire: maintenir les rentes vieillesse de demain à leur niveau actuel.