Congé paternité: non à une étatisation déraisonnable

14 mai 2016 Revue de presse

Le congé paternité réclamé par le syndicat Travail.Suisse fait fi de la diversité du tissu économique, composé essentiellement de PME. Il reviendrait à 400 millions, une charge largement excessive, plaide Marco Taddei, membre de la direction de l’Union patronale suisse, responsable de l’antenne romande de l’organisation à Lausanne.

Serpent de mer de la politique fédérale, le congé paternité revient sur le devant de la scène. En dépit du récent rejet au Parlement de l’initiative parlementaire du conseiller national Martin Candinas, qui préconisait un congé de deux semaines, le syndicat Travail.Suisse vient d’annoncer le lancement, prévu pour fin mai, d’une initiative populaire «Pour un congé paternité raisonnable – en faveur de toute la famille» de quatre semaines.

Tous les pères à la maison, est-ce vraiment raisonnable? Nul ne conteste le fait que la naissance d’un enfant entraîne d’importants changements dans un foyer, mais fonder une famille est une affaire privée dans laquelle l’Etat n’a pas à intervenir. Une nouvelle extension des assurances sociales se traduirait par une fâcheuse intrusion dans le mode de fonctionnement des entreprises, susceptible d’alourdir leurs charges.

Le congé paternité fait fi de l’extrême diversité de notre tissu économique
Etatiser le congé paternité en légiférant de manière uniforme, c’est faire fi de l’extrême diversité de notre tissu économique, composé pour l’essentiel de PME. Si en droit suisse le congé usuel pour la naissance d’un enfant est d’un jour, nombre d’entreprises, qui en ont les moyens, se montrent plus généreuses en la matière selon des modalités – de durée et de financement – qui peuvent varier en fonction de la taille de ces sociétés. Plusieurs enquêtes montrent que la durée moyenne du congé paternité offert volontairement par les entreprises est d’une semaine.

Dans le modèle proposé par le conseiller national Candinas, dont s’inspirent les syndicats, la nouvelle assurance serait financée par le régime des allocations pour perte de gain (APG), au taux de remplacement de 80 pour cent. Selon les estimations, la pause professionnelle de deux semaines (dix jours œuvrés) aurait coûté 200 millions de francs par an, pris en charge, de manière paritaire, par les salariés et les employeurs. Dit autrement, 400 millions de francs seraient nécessaires chaque année pour financer l’allocation paternité «raisonnable» de Travail.Suisse.

400 millions, un luxe qu’on ne peut pas se permettre
Peut-on se permettre un tel luxe? Assurément, non. Pour faire face aux aléas de l’initiative sur l’immigration de masse et du franc fort, la priorité doit être donnée à l’allégement des charges des entreprises. La capacité concurrentielle de la Suisse est en jeu. De plus, les lendemains s’annoncent d’ores et déjà difficiles pour les assurés et les employeurs qui devront financer l’indispensable réforme de la prévoyance vieillesse. Enfin, ô paradoxe, une extension des prestations risque de fragiliser le régime des APG, qui finance l’assurance maternité.

On ne saurait trop souligner la nécessité d’adopter des mesures durables pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Or, le congé paternité ne contribuerait en rien à la réalisation de cet objectif. Sur le plan politique, l’amélioration des offres d’accueil extra-familial et parascolaire des enfants demeure prioritaire. Les entreprises quant à elles doivent tout mettre en œuvre pour offrir une flexibilité accrue des horaires de travail.

On oublie les débâcles répétées des précédentes initiatives
Travail.Suisse a la mémoire courte. Les débâcles répétées des initiatives populaires pour les six semaines de vacances et pour le salaire minimum montrent que le recours à l’arme de l’initiative – qui se fait au mépris du partenariat social – est une stratégie perdante. Autre leçon à tirer du passé: le rejet en mars 2003, d’un article constitutionnel sur la famille. Il faut donc s’inspirer de la volonté populaire et s’opposer sans réserve à un congé paternité prescrit par l’Etat, qui menace la compétitivité de notre économie, en laissant aux entreprises toute latitude pour introduire et aménager un tel congé.

L’article de Marco Taddei a été publié dans «Le Temps».